Pour publication le mercredi 2 août 2000
Ottawa - Des groupes de citoyens ont soutenu que le projet du gouvernement fédéral, rendu public vendredi dernier, de transporter du plutonium par voie des airs est un élément de plus qui démontre qu'il continue d'ignorer l'opposition générale tout le long du trajet où doit être transporté le plutonium et que sa position concernant toute cette question d'importation de plutonium est malhonnête.
«Les gens veulent la vérité et l'honnêteté. Nous réclamons que le gouvernement Chrétien annule le transport de plutonium russe provenant des armes nucléaires, ou du moins qu'il l'arrete jusqu'à ce qu'il y ait eu des audiences publiques indépendantes sur les considérations politiques sous-jacentes au projet d'importation de plutonium,» a avancé Kristen Ostling de Campagne contre l'expansion du nucléaire.
Vendredi le 28 juillet, apparemment en réaction à une application faite récemment par des groupes de citoyens et des Premières Nations pour qu'il y ait un examen judiciaire sur la question, le gouvernement Chrétien a annoncé publiquement que du combustible MOX contenant du plutonium provenant des armes nucléaires serait transporté de Russie jusqu'à Chalk River, en Ontario, par voie aérienne. Il était ajouté que le public avait 28 jours pour faire des commentaires sur un plan d'urgence modifié d'Énergie atomique du Canada, Limitée (EACL) concernant ce transport.
D'après plusieurs groupes de citoyens, le gouvernement fédéral a été malhonnête et incohérent dans ce qu'il a laissé savoir au public canadien:
Les groupes de citoyens remarquent que le gouvernement a choisi le pire temps de l'année pour offrir une période de 28 jours au public pour qu'il puisse faire des commentaires.
- Des bulletins de nouvelles ont affirmé que le gouvernement fédéral aurait soutenu que le transport aérien aurait été choisi suite à des suggestions faites à des audiences publiques l'automne dernier.
Pourtant, il n'y a pas eu d'audiences publiques l'automne dernier; il n'y a eu que des rencontres de relations publiques organisées à la dernière minute pour contrer la croissante marée d'opposition publique contre l'importation de plutonium en Ontario.
Depuis ce temps, les municipalités n'ont pas cessé de voter des résolutions contre ce projet. Au Québec, 155 municipalités ont voté des résolutions qui s'opposent explicitement au transport de plutonium au Québec, que ce soit par voie aérienne, terrestre ou maritime.
«Si Ottawa veut entendre les suggestions du public», a souligné Elizabeth May du Sierra Club du Canada, «le message qui ressort est des plus clairs: ne pas le transporter par voie aérienne, ne pas le transporter du tout.»
- Dans son rapport de novembre 1999, Transport Canada affirmait que «le matériel ne serait pas transporté par voie aérienne», car un grave accident de transport «pourrait occasionner le relâchement d'une lourde poussière [qui] pourrait être dangereuse si inhalée.»
Remarquant qu'EACL utiliserait un contenant de Type B (plutôt qu'un contenant de Type C, tel que requis par la Loi américaine en matière de transport aérien), Transport Canada avait une position ferme sur le fait que les échantillons de MOX ne pourraient pas être transportés par voie aérienne: «Pas jusqu'à ce qu'il y ait un contenant suffisamment sécuritaire pour résister à tous les accidents d'avions possibles.»
Pourtant, vendredi dernier, on nous a fait connaître un Plan d'urgence d'EACL, où on projette de faire voler quatre fois plus de plutonium militaire russe dans un contenant semblable de Type B. On proclame désormais que ce contenant est parfaitement sécuritaire et peut résister à tous les accidents possibles.
Mais, d'après le Dr Ed Lyman, directeur scientifique du Nuclear Control Institute, basé à Washington: «Il n'y a aucune preuve scientifique qu'un contenant de Type B pourrait résister à un écrasement d'avion.»
Le Dr Gordon Edwards du Regroupement pour la surveillance du nucléaire souligne aussi que le contenant de Type C est encore sur la planche à dessin.
De plus, selon une lettre de la Commission canadienne sur la sécurité nucléaire (autrefois la Commission de contrôle de l'énergie atomique ou Atomic Energy Control Board, AECB), datée du 20 juillet 2000 et reçue par la Canadian Environmental Law Association (CELA) le 27 juillet, la certification pour le contenant choisi est récemment venue à échéance.
- Dans son rapport de novembre 1999, Transport Canada affirmait cinq fois que le plutonium en provenance des armes nucléaires «ne serait pas transporté par voie aérienne», ajoutant que «c'est présentement interdit autant par la loi canadienne que par la loi américaine de transporter des échantillons de MOX par voie aérienne».
Pourtant, deux mois plus tard, en janvier 2000, 120 grammes de plutonium en provenance des armes nucléaires américaines était transporté par hélicoptère jusqu'à Chalk River.
- Le «Projet Parallex» a été originellement conçu pour préparer le terrain pour une réduction parallèle, symétrique des surplus de plutonium provenant des armes nucléaires aux États-Unis et en Russie.
Quand les États-Unis ont annonçé plus tôt cette année qu'ils n'avaient plus l'intention de faire parvenir du plutonium au Canada, la raison d'être du Projet Parallex s'est effondrée. Pourtant, le projet va toujours de l'avant comme si rien n'avait changé. «Il n'y a plus de parallélisme», souligne Kristen Ostling.
- Le gouvernement Chrétien fait la promotion du projet MOX en disant que c'est une initiative de désarmement. Mais l'idée de brûler du plutonium dans les réacteurs ne vient pas de la communauté de ceux qui travaillent pour la paix et le désarmement, mais des organisations travaillant dans l'énergie nucléaire en Russie, aux États-Unis et au Canada Ñ qui aimeraient toutes que leurs réacteurs vieillissant fonctionnent 25 ans de plus.
«La position d'Ottawa n'est pas sensée,» soutient le Dr Edwards. «On n'élimine pas le plutonium en l'utilisant pour faire fonctionner les réacteurs, donc nous n'avons pas ici une solution permanente au problème de sécurité. Cependant, faire circuler le plutonium dans la société civile le rend plus accessible, accroissant la possibilité qu'on produise des bombes clandestines.»
Selon Kristen Ostling: «Une approche beaucoup plus sensée serait de laisser s'éteindre les réacteurs nucléaires, mettant ainsi un terme à la production de nouveau plutonium, tout en retirant le plutonium existant de la circulation de façon permanente, en l'immobilisant. Un gouvernement responsable serait fier qu'il y ait un débat sur ces questions.»
- Dans le plan d'urgence originel, les trajets étaient bien spécifiés et, par conséquent, il était possible d'identifier les communautés qui pourraient être touchées.
Dans le nouveau plan, les trajets ne sont pas identifiés, les communautés non plus, donc il est impossible de savoir quelles communautés peuvent être touchées.
«Nous sommes préoccupés par tous les aspects du plan d'importation de plutonium, y compris les déchets qui resteront au Canada par la suite. Ottawa a l'air d'avoir l'intention d'outrepasser le droit démocratique des Canadien(ne)s d'avoir un mot à dire concernant des décisions qui peuvent avoir un impact sur leurs communautés,» a commenté Lynn Jones, de Concerned Citizens of Renfrew County (Citoyens impliqués du Comté de Renfrew).
- Le gouvernement fédéral a déclaré aux Canadien(ne)s qu'il était pratiquement impossible que du plutonium soit relâché sous une forme pouvant être respirée dans n'importe quel scénario d'accident. Pourtant le ministère américain de l'Énergie, dans un document d'évaluation environnementale en 1997, soutient:
«Nous avons fait l'analyse de deux scénarios d'accidents de transport possibles concernant le chargement de combustible MOX devant se rendre à la frontière canadienne...D'après le rapport, il est clair que ce scénario, tout en étant improbable, a quand même «une raisonnable probabilité de se produire». (Section 5.2, "MOX Transportation Accidents")«Le premier accident vise un événement où le contenant du combustible MOX se fendrait, s'enflammerait et relâcherait du bioxyde de plutonium dans l'atmosphère... Nous présumons que le public serait suffisamment proche de l'accident pour respirer l'air contaminé par le bioxyde de plutonium.»
- Dans le plan d'urgence précédent d'EACL, on identifiait 4 catégories d'accidents sur 8 où le contenant serait détruit. Mais dans le nouveau plan, il n'y a aucun scénario d'accident.
Selon Gordon Edwards, «Ils auraient pu le faire plus tôt, car le plan d'urgence était prêt en mai. Ils auraient pu le faire plus tard, en attendant que le contenant de transport du combustible MOX ait obtenu sa certification par l'agence de règlementation. Il y a quelque chose de très mauvais goût dans le fait d'établir une période pour commentaires publics quand la plupart des gens ne sont pas disponibles pour faire des commentaires.»
D'après Theresa McClenaghan, de la Canadian Environmental Law Association, «la révision judiciaire que nous avons initiée pour les groupes de citoyens en juin a joué un grand rôle pour que le gouvernement révèle ses plans de faire transporter le combustible de plutonium de Russie par avion. C'est le temps maintenant pour que le gouvernement fédéral arrête le projet et soumette sa politique concernant le plutonium à une sérieuse analyse publique.»
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Pour plus de détails:
Kristen Ostling,
Campagne contre l'expansion du nucléaire,
(613) 789-3634
Gordon Edwards,
Regroupement pour la surveillance du nucléaire,
(514) 853-5736 (pagette)
Theresa McClenaghan,
Canadian Environmental Law Association,
(519) 757-5266 (cellulaire mercredi seulement);
(416) 960-2284 (CELA)Andrew Chisholm,
Sierra Club of Canada,
(613) 241-2292
Chris McCormick,
Association of Iroquois and Allied Indians,
(519) 434-2761
Lynn Jones,
Concerned Citizens of Renfrew County,
(613) 735-4876
Kathleen Brosemer,
Northwatch,
(705) 949-3862
Ed Lyman,
Nuclear Control Institute,
(202) 822-8444
[ Répertoire du RSN ]