Quatre Questions

sur les dangers de l'énergie nucléaire


par Gordon Edwards



Conférence de Gordon Edwards, président,
Regroupement pour la surveillance du nucléaire,
donnée à Trois-Rivières le 22 octobre 1980.



Je suis professeur de mathematiques et de sciences au Collège Vanier à Montréal. Depuis dix ans, j'ai pris conscience que les citoyens ordinaires ne reçoivent pas assez d'information sur l'énergie nucléaire. Je ne pense pas qu'il soit raisonnable d'ignorer les dangers existants. Je pense que ne pas se préparer à des situations d'urgence est une attitude irresponsable. Nous enseignons à nos enfants les dangers du feu parce que nous voulons qu'ils aient un comportement responsable. Des exercises pour le feu sont organisés dans les écoles parce que nous savons que des accidents peuvent se produire.

J'aimerais vous expliquer quels sont les dangers de l'énergie nucléaire en posant quatre questions:

  1. Qu'est-ce que la radioactivité et pourquoi est-elle nocive?

  2. Pourquoi les centrales nucléaires sont-elles dangereuses?

  3. Quelles sortes d'accidents peuvent survenir à Gentilly?

  4. Que pouvons-nous faire pour améliorer la situation?



Qu'est-ce que la radioactivité?

La science nous enseigne que chaque chose est composée de miniscules atomes. La plupart des atomes dans la nature sont tout-à-fait stables. Ils ne se créent pas et ne se détruisent pas. Ils ne font que se combiner entre eux de diverses façons pour former différentes sortes de matières.

Par exemple, l'eau dans ce verre est composée d'atomes d'hydrogène et d'atomes d'oxygène. Selon la science, ces atomes existaient il y a des millions d'années et ils existeront toujours dans des millions d'années. Il est possible que les atomes d'hydrogène dans ce verre d'eau aient aidé de former la chair d'un dinosaure autrefois, et les atomes d'oxygène étaient peut-être dans l'air que ce monstre respirait.

Vers la fin du dix-neuvième siècle, Henri Becquerel, qui travaillait à Paris, a découvert que, pourtant, tous les atomes ne sont pas stables. Il existe quelques substances dans la nature qui sont radioactives, comme le radium -- découvert par Marie Curie dans l'an 1898. Contrairement aux atomes ordinaires, ces atomes radioactifs ne survivent pas indéfiniment. Ils ne dûrent qu'une certaine période de temps, puis ils explosent. L'explosion des atomes radioactifs est beaucoup trop petite pour que l'on puisse l'observer, mais quand elle a lieu dans notre corps elle peut causer de nombreux dommages aux cellules.

Quand un atome radioactif explose, il y a dégagement d'énergie et émission de particules pleines d'énergie qui peuvent provoquer beaucoup de dégâts sur la matière environnante. Dans un tissu vivant, quelques-unes des cellules endommagées peuvent devenir cancéreuses. Il peut parfois arriver qu'un cancer se développe et, parfois, qu'il ne se développe pas; c'est une question de hasard.

Si un grand nombre de gens sont exposés à la même dose de matière radioactive, un certain pourcentage d'entre eux attrapera le cancer, mais ils ne l'attraperont pas tous. Si la dose est réduite de moitié, alors seulement la moitié de ces personnes attrapera le cancer: et si la dose est réduite à un dixième (1/10) de son niveau d'origine, on ne trouvera qu'un dixième de cas de cancer chez ces personnes.

Cependant, il n'y a aucune preuve qu'il existe une dose sûre. Chaque dose de radiation augmente le risque d'avoir le cancer. Quelques scientifiques, se basant sur ces études qui ont été réalisées ces cinq (5) dernières années, ont déclaré que le risque d'attraper le cancer à des niveaux d'exposition très bas, est de 10 à 20 fois plus grand qu'on ne le pensait en avance.

Cette nouvelle preuve provoque de nombreux désaccords et personne n'est vraiment sûr de ce que peuvent être les risques à faible dosage; mais toutes les agences responsables s'accordent pour dire qu'une dose de radiation sans effet n'existe pas.

Comment les matières radioactives pénètrent-elles dans notre corps? Et bien, par exemple, le radium est une substance semblable au calcium que le corps utilise pour la formation des os et des dents; le calcium est aussi présent dans le lait des mères. Donc, quand il y a du radium dans notre nourriture ou dans l'eau que nous buvons, notre corps prend le radium pour du calcium et l'emmagasine dans toutes les parties du corps où le calcium se trouve d'habitude; il a pour effet de causer le cancer des os et les maladies du sang, ci-inclus la leucémie.

Aujourd'hui le radium est considéré comme beaucoup trop dangereux pour être utilisé à des fins commerciales. Trop de gens sont morts empoisonnés par le radium, comme Marie Curie et sa fille Irène. En conséquence, il n'y a plus de marché pour le radium. Il est maintenant devenu un déchet dangereux au lieu d'être une source de bien-être. Les centaines de milliers de tonnes de déchets radioactifs entreposés à Oka, et à Varennes, près de Montréal, sont contaminés par le radium -- et ceci est un problème extrêmement grave.

Lorsqu'un atome de radium explose, il ne disparaît pas; il se transforme en une nouvelle sorte de substance que l'on appelle le gaz radon. Le gaz radon est lui aussi radioactif, et lorsqu'il pénètre dans nos poumons, ce gaz peut facilement provoquer le cancer des poumons. Des études portant sur les travailleurs des mines d'uranium dans plusieurs pays ont démontré que le taux de cancer des poumons observé chez les personnes qui sont exposées au gaz radon (dans les mines d'uranium) a beaucoup augmenté. Puisque le gaz radon est produit par le radium, cela cause aussi un problème à Oka et à Varennes. Encore une fois, il n'y a aucune preuve qu'il existe un niveau d'exposition qui soit sans danger. Même chez les mineurs qui sont les moins exposés au gaz radon on note une augmentation significative du cancer des poumons par rapport à la population normale.

En résumé, il existe très peu de substances dans la nature qui soient radioactives. Ces matières radioactives sont toutes très dangereuses, même en petite quantité. Chaque année, un certain nombre de morts causées par le cancer, sont probablement dûes à ces substances radioactives naturelles.



Les bombes atomiques et les réacteurs nucléaires

Lorsque j'avais cinq ans, la première bombe atomique a été lancée. Au cours d'une explosion atomique, des milliards d'atomes d'uranium sont brisés très rapidement, selon un processus que l'on appelle la fission nucléaire. Quand cela se produit, une énorme quantite d'énergie se dégage, assez pour détruire toute une ville. Les bombes d'aujourd'hui sont beaucoup plus puissantes que celles qui ont détruit Hiroshima et Nagasaki; en comparaïson, les bombes de cette époque-là ressemblent à des pétards.

Mais la fission nucléaire ne produit pas seulement de l'énergie. La fission des atomes d'uranium crée des centaines de nouvelles matières radioactives qui n'existent absolument pas dans la nature. Ces atomes radioactifs sont en fait les morceaux des atomes d'uranium qui restent présents après le processus de fission. On les appelle les produits de la fission. Il en existe différentes sortes: l'iode 131, le krypton 85, le strontium 90, le césium 137, le cobalt 60, et encore beaucoup d'autres. Quand une bombe atomique explose, ces matières radioactives se dispersent partout. Elles peuvent provoquer la mort d'un grand nombre de personnes. Parfois, des années plus tard, la pluie ou la neige les renvoient sur terre; c'est ce que l'on appelle une retombée radioactive.

De nombreux scientifiques craignent qu'une guerre nucléaire ne rende la planète inhabitable à cause de la contamination radioactive de la nourriture, de l'eau et de l'air. Les personnes qui survivent à ces explosions peuvent mourir d'un cancer ou d'autres maladies quelques années plus tard. Pourtant, certains généraux pensent qu'il est possible de survivre à une telle guerre. On ne peut rien affirmer.

À l'intérieur d'un réacteur nucléaire comme celui de Gentilly-2, on utilise le même processus de fission, mais d'une façon beaucoup plus contrôlée. La chaleur produite lors de la fission des atomes d'uranium est utilisée pour faire bouillir de l'eau. Voilà tout le travail d'une centrale nucléaire: elle fait bouillir de l'eau. La vapeur produite de cette façon est utilisée pour faire tourner la turbine d'un générateur qui, à son tour, produit de l'électricité. La différence entre une centrale nucléaire et une centrale électrique utilisant le charbon comme combustible réside simplement dans la façon d'obtenir la chaleur qui fera bouillir l'eau.

Vous serez heureux d'apprendre qu'un réacteur nucléaire ne peut pas exploser comme une bombe atomique car les atomes d'uranium sont brisés d'une façon beaucoup plus lente et beaucoup plus contrôlée. Cependant, à l'interieur d'un réacteur nucléaire, on trouve les mêmes sortes de matières radioactives produites lors de l'explosion d'une bombe atomique. Ce sont les déchets hautement radioactifs, dont vous avez beaucoup entendu parler, et que l'industrie nucléaire veut placer en entreposage souterrain pendant plus qu'un million d'années. En cas d'accident dans une centrale nucléaire, ce sont ces matières qui peuvent être libérées dans l'air ou dans l'eau.

Les produits de la fission qui sont obtenus dans un réacteur nucléaire sont enfermés dans des grappes qui contiennent d'uranium combustible. Ces grappes ne présentent aucun danger avant qu'elles soient déposées dans le réacteur. L'uranium, en lui-même, n'est que très légèrement radioactif. On peut le manipuler en toute sécurité avec pour seule protection une paire de gants.

Mais, une fois que l'on sort la grappe hors du réacteur, elle est tellement radioactive que si vous restez simplement une demi-minute à proximité, sans protection, vous mourrez certainement au bout de quelques jours. Une fois qu'elles ont servi, ces grappes ne seront plus jamais manipulées par des mains humaines; elles sont manipulées par des grues télécommandées, et les travailleurs sont protégés du danger derrière d'épaisses vitres. Les grappes sont entreposées dans d'immenses piscines. Elles sont transportées dans d'énormes contenants pesant chacun de cinquante à soixante-dix tonnes, alors que chaque grappe ne pèse que soixante livres.

Il est difficile d'imaginer à quel point ces déchets nucléaires peuvent être dangereux. Aucun de nos sens ne nous avertit d'un quelconque danger. Les déchets ont l'air inoffensifs, mais en réalité ils sont mortels. On peut difficilement croire qu'en un an, chaque réacteur nucléaire produit plus de déchets radioactifs que l'explosion de mille bombes conme celle d'Hiroshima. Et pourtant, c'est vrai. Les déchets d'une centrale nucleaire contiennent plus de strontium et de césium radioactifs qu'ont pu en produire les essais d'armes atomiques menées dans le monde entier par les États-Unis, l'Union Soviétique, l'Angleterre, la France et la Chine. Cela représente une quantité énorme de matières dangereuses.

Des scientifiques au Bureau de recherche en géologie, une agence gouvernementale aux États-Unis, ont publié en 1978 un important rapport sur les déchets hautement radioactifs. Ils se sont posés la question: «De quelle quantité d'eau aurions-nous besoin pour dissoudre les déchets des centrales nucléaires à un niveau acceptable de concentration?» La réponse était surprenante. Ne tenant compte que des déchets qui seront produits avant l'an 2000, ce bureau de recherche en est arrivé à la conclusion que nous aurions besoin de deux fois l'eau douce du monde entier; l'eau de tous les lacs, les fleuves, les glaciers, l'eau souterraine et même l'humidité du sol, tout cela mis ensemble et multiplié par deux. C'est la quantité d'eau qu'il faudrait pour dissoudre les déchets nucléaires à des niveaux tolérables. Ils ont aussi fait remarquer que si les déchets étaient disséminés dans la nourriture, l'air et l'eau potable, cela pouvait causer des centaines de millions de cancers mortels.

Bien sûr, ces dechets ne sont pas dispersés dans l'environnement, ils sont entreposés en toute sécurité dans les piscines près des réacteurs. Mais il est fondamental de prendre conscience du potentiel de danger qui existe. Est-il possible qu'un simple accident entraîne de tels dégâts sur l'environnement? Ceci est une question fondamentale dans le débat sur le nucleaire. Quelle confiance pouvons-nous accorder à la technologie, et quel risque sommes-nous prêts à prendre pour nos enfants et nos petits-enfants?



Quelles sortes d'accidents peuvent survenir?

Les déchets d'une centrale nucléaire sont tellement radioactifs qu'ils produisent de la chaleur pendant des centaines d'années. Lorsqu'ils sont retirés du réacteur, ils sont extrêmement chauds. Ils doivent etre refroidis par des moyens artificiels. Contrairement à la chaleur contrôlable de la fission, la chaleur provenant de la radioactivité, ne peut-être ni accélérée, ni ralentie, ni commandée de quelque façon que ce soit. Rien ne peut l'affecter. La seule possibilité consiste à dissiper cette chaleur par la suite, afin que les déchets ne deviennent trop chauds.

Comme je l'ai déjà dit, après usage le combustible est gardé dans une grande piscine. L'eau de la piscine a deux fonctions: elle refroidit le combustible usé et l'empêche de surchauffer, et de plus, elle sert de bouclier biologique qui protège les travailleurs des radiations mortelles. Des études d'ingénierie ont montré que -- même plusieurs jours après -- si les grappes de combustible restaient hors du réacteur sans être déposés dans l'eau, ils surchaufferaient et fondraient à une température de 5000 o F (ou 2800 o C).

Cela serait surtout très dangereux. En effet, quand le combustible fond les produits de la fission qui sont enfermés dans le combustible sont libéres dans l'atmosphère sous forme de gaz, de vapeurs et de cendres. Si une grande quantité de combustible fondait et que la radioactivité s échappait dans l'atmosphère, les conséquences pourraient être catastrophiques. Des milliers de personnes pourraient être tuées, des dizaines de milliers hospitalisées et des centaines de milliers pourraient avoir un cancer vingt ou trente ans après l'accident. La nourriture, l'eau, le sol et les édifices pourraient être gravement contaminés, au point que les zones proches du lieu de l'accident deviendraient inhabitables.

Bien sûr, les scientifiques et les ingénieurs responsables ont pris toutes les précautions afin de s'assurer qu'un tel accident ne se produise pas. Mais, ainsi que les événements de Three Mile Island l'ont montré, des accidents se produisent parfois. Selon la Commission américaine de Réglementation Nucleaire, il ne restait que 30 minutes avant la fonte totale du réacteur de Three Mile Island. Heureusement, la moitié du combustible n'a pas fondu, et ainsi une catastrophe a été évitée.

Quelle est la cause de l'accident de Three Mile Island? Il y a eu de nombreux problèmes dont le plus important fut une fuite de liquide réfrigérant au coeur du réacteur, là où se trouvent les tiges de combustibles. Cet accident fut provoqué par une soupape bloquée. Comme je viens de vous le dire, si le combustible présent dans le réacteur n'est pas refroidi, il fond même si le réacteur est complétement arrêté. Ceci est dû au grand dégagement de chaleur produit par la radioactivité des produits de la fission. Il est absolument essentiel que le coeur du réacteur soit refroidi pendant plusieurs mois après l'arrêt complet du réacteur. Sinon, le combustible surchauffe et de dangereuses matières radioactives s'échappent. Dans le cas de Three Mile Island, nous avons eu de la chance puisque seulement une infime quantité de radioactivité s'est échappée. La prochaine fois, nous n'aurons peut-être pas autant de chance....

Cependant, la conception du réacteur de Gentilly-2 est complètement différente de celle de Three Mile Island et donc, le même type d'accident ne pourrait pas survenir à Gentilly-2. La soupape qui s'est bloquée dans le réacteur de Harrisburg n'existe pas dans celui de Gentilly. Pourtant, un accident semblable pourrait se produire si un petit conduit se brisait dans le système de refroidissement du réacteur de Gentilly. Le même problème se poserait: conment empêcher le coeur de surchauffer et de fondre s'il y a perte de fluide de refroidissement?

Le réacteur de Gertilly est doté de centaines de petits conduits dans son système de refroidissement, ce qui représente beaucoup plus de conduites que dans un réacteur aréricain; et donc, le risque de rupture d'un tel conduit est beaucoup plus élevé ici au Québec qu'aux États-Unis. Selon Énergie Atomique du Canada, il y a chaque année entre 1 pour cent et 10 pour cent de risque qu'un tel conduit se brise à Gentilly. Ce risque est donc fort probable. En fait, si l'on se sert de ces estimations d'Énergie Atomique du Canada, il y a plus d'une chance sur quatre qu'un tel accident se produise pendant les trente années de vie de la centrale. Et je suis optimiste! Mais si l'on est plus pessimiste, la probabilité d'un tel accident pourrait s'élever jusqu'à 95 pour cent.

L'attitude de nos représentants élus et d'Hydro-Québec est complétement irresponsable lorsqu'ils prétendent qu'il est impossible de croire à l'éventualité d'un tel accident. Mais en réalité, c'est tout-à-fait vraisemblable et le risque est même très élevé. J'ai fait part de ces informations au conseil d'administration d'Hydro-Québec et ils ont accepté de m'accorder une entrevue dans peu de temps.

Mais tout cela est encore pire si l'on pense que la vallée du Saint-Laurent est une zone de tremblement de terre. J'ai discuté avec un homme qui travaillait à Montréal pour Canatom, la compagnie qui a conçu la centrale de Gentilly-2. Il y a quelques années, il a donné sa démission pour protester contre une conception qui, selon lui, néglige les dangers que peuvent représenter des tremblements de terre.

Le problème est le suivant: même un léger tremblement de terre peut réussir à briser quelques-uns des petits conduits dans le réacteur et ainsi provoquer un grave accident. Ceci est loin d'être improbable. Monsieur Ferahian, l'ingénieur dont je vous ai parlé, est un spécialiste des questions de protection en cas de séismes et il estime que la conception de Gentilly-2 n'est pas satisfaisante en cas de tremblement de terre. Malheurelrsement, pour des raisons politiques, ces objections ont toujours été ignorées. Nos politiciens ne comprennent peut-être pas la gravité de la situation.



Que peut-on faire?

Il existe de nombreuses actions pour réduire les risques d'accident à Gentilly et pour mettre én place des dispositifs d'urgence, nécessaires lors d'un tel accident.

  1. Le gouvernement du Québec devrait confier à une firme d'ingénieurs conseil en nucléaire le soin d'examiner la sécurité de la centrale de Gentilly, avant de la mettre en service.

    Pour éviter tout conflit d'intérêts, cette firme ne devrait pas être impliquée, ni dans la conception, ni dans la vente de réacteurs nucléaires. Il y a quelques années une telle firme, la HMB Associates de Californie, fut chargée par le gouvernement suédois de vérifier la sécurité de leur réacteurs. Pourquoi ne pas répéter l'expérience ici au Québec? Une telle révision de la sécurité peut réussir à identifier et à corriger certains problèmes de conception et de planification pouvant représenter un danger à Gentilly. Par exemple, certaines recommendations pourraient être faites quant aux dispositifs anti-séisme de la centrale, ou à la planification des mesures d'urgence devant être prises lors de la rupture d'un petit conduit.

  2. On devrait posséder un plan d'évacuation simple et complet pour la région de Gentilly s'étendant à 25 milles de la centrale.

    Comme dans le cas d'exercises pour le feu, visant à familiariser les gens à une situation d'urgence, des évacuations devraîent être répétées annuellemeut. Sans cela, de tels plans ne sont rien d'autres que de vulgaires bouts de papier entassés dans un classeur de bureaucrate.

  3. Des mécanismes d'intervention médicale très poussés devraient être mis en place et on devrait faire provision de matériel nécessaire en cas d'accident. comme des comprimés d'iode de potassium.

    La plupart des médecins n'ont pas la moindre idée de la façon de déceler les symptômes d'une maladie causée par la radiation, ou de soigner un patient contaminé. Le gouvernment devrait préparer des sessions spéciales de formation de sorte que le corps médical sache quoi faire dans une telle situation. Pendant une réunion portant sur la sécurité nucléaire ayant eu lieu pendant une journée à l'Hôpital Général de Montréal et à laquelle j'ai participé tout juste avant Noël, les médecins et les infirmières furent étonnés d'apprendre que les plans d'urgence d'Hydro-Québec ne mentionnaient même pas les ambulances et les hôpitaux ou le genre de soins médicaux nécessaires. Cette négligence devrait être corrigée.

    Les comprimés d'iode de potassium dont j'ai parlé plus tôt, sont très importants car ils peuvent prévenir toute atteinte aux glandes thyroïdes lors d'une surexposition à de l'iode radioactif. À la suite de l'accident de Three Mile Island, les autorités ont recommandé que chaque école, et même chaque foyer, situé à une certaine distance d'une centrale nucléaire, devrait posséder une provision de comprimés d'iode de potassium. Ces comprimés doivent, pour être efficaces, être pris le plus tôt possible.

  4. La population du Québec devrait faire pression sur le gouvernement pour qu'il organise une série de débats publics sur l'énergie nucléaire, afin que toutes ces questions de sécurité soient débattues publiquement.

    La moratoire gouvernemental, en vigueur actuellement et concernant toute nouvelle centrale nucléaire, ne devrait pas être levé tant que la population québécoise n'aura pas eu l'occasion de s'informer sur les bienfaits et les dangers de cette technologie. Puisque ce sont eux et leurs enfants qui courent tous les risques, il est juste qu'ils aient un pouvoir de décision. Ceci est d'autant plus valable pour le Québec que cette province n'a aucun besoin de l'énergie nucléaire.

  5. La population du Québec devrait aussi faire pression sur la Commission de Contrôle de l'Énergie Atomique à Ottawa pour qu'elle tienne des audiences publiques sur les normes de sécurité existantes.

    La Commission de Contrôle est une agence fédérale qui accorde les permis des centrales nucléaires. Il y a quatre ans, cette commission a découvert que les dispositifs de securité dans les réacteurs CANDU, comme celui de Gentilly, ne fonctionnent pas aussi bien qu'ils le devraient. Il existe aussi des dispositifs de sécurité qui bien souvent sont inopérants. Cela signifie qu'en cas de rupture d'un conduit, il est possible qu'aucun refroidissement d'urgence n'a fonctionne à cause des problèmes de conception du système de refroidissement. Mais rien de tout cela n'a jamais été débattu en public.

    Actuellement, la commission essaie de ré-écrire la bible; ils changent les règles de sécurité selon lesquelles les permis des centrales sont accordés. Ils relâchent les normes. Ils nous font comprendre qu'à cause de la défaillance des systèmes de sécurité, nous devons admettre que le public soit exposé aux radiations plus élevées en cas d'accident. Ceci est inacceptable. Chacun doit écrire à la Commission de Contrôle, au gouvernement fédéral et insister sur la necessité d'audiences publiques avant que de tels changements ne soient autorisés.

  6. Il faut demander aux représentants de l'Hydro Québec de l'information sur les dangers de l'énergie nucléaire, aussi bien que sur ses avantages.

    Hydro-Québec doit servir la population du Québec et il serait injuste de ne faire parvenir aux gens que la moitié de la vérité. Écrivez à Hydro-Québec et demandez qu'ils vous envoient des documents qui expliquent clairement ce que soit les dangers. Et dites-leur de ne pas choisir exclusivement les opinions des scientifiques favorable au nucléaire qui minimisent les problèmes; demandez-leur d'inclure les opinions de nombreux scientifiques qui critiquent cette technologie et la considèrent beaucoup trop dangereuse par rapport aux bienfaits qu'elle peut procurer. Hydro-Québec devrait offrir aux gens une image plus équilibrée de la situation, de la bonne information et non pas de la propagande.

Cependant, c'est à nous, citoyens ordinaires, de défendre nos droits.




Notes Supplémentaires (par M. Jacques Boucher):

Dans Le Devoir du 5 novembre 1981, Gilles Provost faisait état de nouveaux dommages subis l'été dernier à Gentilly-2, alors que les opérateurs effectuaient des exercices de mise en marche et des tests relatifs au fonctionnement des systèmes. Le réacteur ne fonctionne pas encore. Il doit cormnencer à opérer fin 1982. D'ici là, il est indispensable (et spécialement pour ceux qui vivent à proximité) de réaliser qu'au Canada, les propriétaires des réacteurs nucléaires voient leurs obligations de dédommagement des personnes et des propriétés affectées par un accident limitées à $75 millions. Le reste du dédommagement retombe sur les épaules du fédéral (dans la mesure où il serait disposé a le prendre, car nous avons en tête sa façon d'agir dans le dossier de la mousse d'urée formaldéhyde). De plus, dans nos polices d'assurances, il y a une clause qui indique que nous ne sommes pas couverts, advenant un accident impliquant des contaminations radioactives....

À Harrisburg, on évalue, seulement pour le nettoyage, si toutefois c'est possible de le faire, qu'il en coûterait presque le double du prix de construction du réacteur (de $1 à $1.8 milliards). Ça démontre les problemes dans lesquels on s'embarque dès qu'on se met a opérer la réaction de fission. Aucun réacteur nucléaire n'a encore été démantelé. Mais après les quelques années de fonctionnement d'un réacteur, il faut bien en venir à arrêter le fonctionnement. La région de Gentilly est déjà confrontée au probleme du démantèlement de Gentilly-1. Aura-t-elle éventuellement à être confrontée à celui de Gentilly-2 également? Les citoyens du Québec et des environs de Gentilly peuvent encore en empêcher l'Hydro-Québec, avant qu'il ne soit trop tard.... Pour ce qui concerne l'usine de Gentilly-1, le journaliste Gilles Provost nous livrait dans Le Devoir du lundi 30 novembre 1981, qu elle « vient d'être mise dans la boule à mites et est maintenant considérée comme un simple site d'entreposage de substances radioactives.... Le permis de stockage de substances radioactives est valable jusqu'en décembre 1983. »

Cette usine, ce réacteur, qui appartient à l'Énergie Atomique du Canada Limitée, constitue donc une menace perpétuelle, même après l'arrêt de son fonctionnement. Il serait souhaitable que les citoyens du Québec, et surtout ceux vivant à proximité du site de Gentilly, questionnent les autorités locales (maires de Trois-Rivières, Bécancour, Champlain, Cap-de-la-Madeleine, Gentilly, et cetera, aussi que les députés provinciaux et fédéraux), provinciales (ministres de l'Environnement et de l'Énergie, premier ministre, conseil d'administration de l'Hydro-Québec) et fédérales (ministre de l'Énergie, premier ministre, Commission de Contrôle de l'Énergie Atomique à Ottawa, Énergie Atomique du Canada Limitée à Ottawa) sur l'échéancier pour le démantèlement de Gentilly-1 et le retrait des matières radioactives dangereuses de la région de Gentilly, et, par-dessus tout, sur les mesures prévues pour protéger la population en cas d'accident....


[ Répertoire du RSN ]

[ CONTINUER ]











nombre de visites au site WEB du RSN
depuis le 27 mars 1997:

100 000 PLUS

(compteur remis à zéro à minuit, le 2 juillet 1998)