Un Tchernobyl au Québec ?
Lettres concernant les dangers de
la seule centrale nucléaire à Québec


Table de matières



LETTRE AUX MEMBRES
DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
D'HYDRO-QUÉBEC, le 2 juin 1986.

le 2 juin 1986

Regroupement pour le surveillance du nucléaire,
C.P. 236, Succursale Snowdon,
Montréal, QC, H3X 3T4

Aux membres du
Conseil d'administration
d'Hydro-Québec

Cher Monsieur / Chère Madame:

À la suite de l'accident de Tchernobyl, nous vous demandons instamment de bien vouloir envisager la fermeture définitive du réacteur nucléaire de Gentilly 2.

La société québécoise n'a rien à gagner avec ce réacteur qui produit à l'heure actuelle l'électricité la plus chère de la province (plus de cinq cents le kilowatt-heure, à comparer avec 2.7 cents pour le kilowatt-heure de la Baie-James). Par ailleurs, le fonctionnement de ce réacteur expose la population québécoise à d'importants risques financiers, écologiques et médicaux.

Nous attirons votre attention sur les points suivants:

  1. La décharge de déchets fortement radioactifs (combustible irradié) est financièrement onéreuse, écologiquement risquée et civiquement perturbatrice. Le plus longtemps l'Hydro-Quebec va produire de ces déchets, le plus elle devra s'attendre à devoir trouver un lieu d'enfouissement pour rebuts nucléaires, au Québec même, dans un avenir plus ou moins rapproché. Il n'y a absolument aucune garantie que l'Ontario accepte volontiers d'être la poubelle nucléaire du Québec, surtout si l'industrie du CANDU fait faillite d'ici 10 ans.

  2. Comme l'a recemment confirmé le directeur du service des permis à la Commission de contrôle de l'énergie atomique du Canada, le réacteur CANDU peut subir une fusion et n'est pas conçu pour faire face à de tels accidents. La Commission royale d'enquête sur la planification électrique en Ontario a fait des révélations similaires en 1978, de méme que le comité spécial de la Législature ontarienne sur les affaires de l'Hydro-Ontario en 1980. De plus, le réacteur de Gentilly 2 n'a pas de bâtiment à vide (pour contenir la vapeur et les gaz radioactifs en cas d'accident) comme en ont tous les réacteurs opérant en Ontario.

  3. Selon les chiffres publiés par les concepteurs du CANDU, la probabilité d'une rupture de tube dans le coeur du réacteur dépasse 25 pour cent sur une durée de vie présumée de 30 ans. Comme le réacteur soviétique accidenté de Tchernobyl, le réacteur de Gentilly 2 est à tubes de force et connait automatiquement une excursion de puissance en cas de bris de tube. Si cette excursion ne se termine pas en moins d'une seconde par la fermeture des systèmes d'arrêt d'urgence, il en résulte d'importants dommages au coeur du réacteur et de grandes quantités de gaz et vapeurs radioactifs s'échappent dans l'enceinte de confinement. Il pourrait également en résulter une série d'explosions d'hydrogène, comme celles qui se produisirent à Chalk River (Ontario) lors de l'accident de 1952. (On présume que l'accident de Tchernobyl a commencé ainsi : bris de tube, excursion, explosions.)

  4. Les citoyens du Québec ne peuvent se procurer d'assurance pour se protéger eux-mêmes ou leurs biens en cas d'accident nucléaire. Toutes les polices d'assurance contiennent une clause d'exclusion nucléaire qui leur retire toute protection en cas de contamination radioactive. De plus, une loi spéciale du Parlement, la Loi sur la responsabilité nucléaire, limite la responsabilité financière du propriétaire à $ 75 millions, bien que l'on s'attende à ce que les dommages totaux atteignent des milliards de dollars à la suite d'une telle catastrophe.

  5. Même des accidents de faible envergure peuvent être ruineux financièrement. Jusqu'à present, plus d'un milliard et demi de dollars ont été dépensés pour le nettoyage du réacteur de Three Mile Island, et pourtant, pas un kilogramme de déchets radioactifs n'a encore été retiré du coeur du réacteur. La General Public Utilities (GPU), propriétaires de Three Mile Island, disposait seulement d'une assurance de $ 300 millions pour le site, somme qui a disparu depuis longtemps. De quelle couverture dispose Hydro-Québec pour Gentilly 2 ?

  6. L'électricité produite à Gentilly 2 est entièrement superflue. De fait, on ne peut trouver de véritable argument économique pour continuer à utiliser ce réacteur. L'Hydro-Québec épargnerait une cinquantaine de millions de dollars en coûts d'opération seulement, par an, en le fermant définitivement

  7. Durant son fonctionnement, le réacteur de Gentilly 2 laisse échapper dans l'environnement de grandes quantités de tritium (hydrogène 3) et de carbone 14, deux éléments radioactifs connus pour provoquer des déficiences physiques et génétiques lors d'expériences à faibles doses sur les animaux.

  8. Si le Québec désire conserver un minimum d'expertise dans le domaine nucléaire, la meilleure chose à faire serait d'inciter Ottawa à procéder au déclassement total de Gentilly 1, recémment scellé au coût de $ 25 millions. Étant donné que Gentilly 1 a fonctionné pendant moins de 200 jours, son niveau de radioactivité est très bas en comparaïson avec un réacteur plus gros qui aurait fonctionné pendant 10, 20 ou 30 ans. En démantelant Gentilly 1 maintenant, avec le financement fédérl, le Québec pourrait acquérir une expérience inestimable dans la robotique industrielle et la démolition en milieu radioactif, qui pourrait lui rapporter beaucoup si l'on pense aux milliards de dollars de travaux de démantèlement qu'il va falloir faire à l'échelle mondiale d'ici 10 ou 15 ans.

  9. La societé de l'Énergie atomique du Canada limitée veut attendre 40 ans pour le démantèlement complet de Gentilly 1. Cependant, l'Hydro-Québec devrait commencer par se demander si cette société existera encore à ce moment-là. Ottawa a clairement laissé entendre que l'industrie nucléaire canadienne pourrait faire faillite d'ici 1995. Pourquoi le Québec devrait-il porter le poids des erreurs d'Ottawa?

Nous espérons sincèrement qu'à titre de membres du conseil d'administration de l'Hydro-Québec, vous prendrez au sérieux l'avantagc qu'il y aurait a fermer Gentilly 2 : une épargne immédiate de $ 50 millions par an en coûts de fonctionnement; des eéonomies à l'avenir de centaines de millions de dollars en frais de démantèlement et de décharge de déchets et, surtout, aucune assurance à payer pour les dommages à l'environnement et à la santé des citoyens du Québec qui ne seraient plus menacés de contamination radioactive par Gentilly 2.

Veuillez accepter nos salutations les plus distinguées.

Gordon Edwards et Hélène Lajambe
pour le Regroupement pour la surveillance du nucléaire.



LETTRE AU
PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNERAL
D'HYDRO-QUÉBEC,
le 28 août 1986.

le 28 août, 1986

Hélène Lajambe et Gordon Edwards ,
Regroupement pour la surveillance du nucléaire,
caisse postale 236, Succursale "Snowdon",
Montréal H3X 3T4

M. Guy Coulombe
Président-Directeur géneral
H Y D R O - Q U É B E C,
75 boul Dorchester ouest,
Montréal, H2Z 1A4.

Cher M. Coulombe:

Nous accusons réception de votre lettre du 7 août et vous remerçions des "Commentaires d'Hydro-Québec" pertinents à notre lettre du 2 juin.

Nous regrettons que vous ayez décidé pour le présent de maintenir le réacteur nucléaire de Gentilly 2 en fonctionnement bien que vous ne contestiez pas que sa production d'électricité soit la plus chère de tout le réseau de base de la province. Nous avions pensé qu'Hydro-Québec aurait vu d'un bon oeil cette occasion d'épargner chaque année les quelques dizaines de millions de dollars que représente le coût d'opération de cette centrale superflue. Car il n'en reste pas moins que nous ne voyons aucune raison économique valable pour ne pas fermer Gentilly 2, tout comme ce fut le cas pour la thermique de Tracy.

La construction de Gentilly 2 a connu de multiples difficultés et souffert d'erreurs graves, de la planche à dessin aux dépassements de coûts des plus considérables. Rappelez-vous que le coût final dépassait les prévisions d'environ un milliard de dollars. Nous avons toutes les raisons de croire que de semblables problèmes et erreurs se feront également jour lorsqu'il s'agira de démanteler les structures radioactives de Gentilly 2 et de se débarrasser de ses déchets. Le démantèlement et la disposition des déchets nucléaires sont deux problèmes encore sans solution à l'échelle mondiale.

Nous présumons qu'Hydro-Québec ne voudrait pas se voir infliger d'ici quelque temps une facture de nettoyage frisant le milliard de dollars si elle peut faire maintenant quelque chose pour l'éviter. Une étude récente du Worldwatch Institute révélait que le coût de déclassement d'un réacteur nucléaire pouvait égaler et même dépasser son coût de construction initial. De plus, on estime entre 500 millions et un milliard de dollars le coût d'un cimetière pour déchets hautement radioactifs. Si les citoyens des provinces avoisinantes refusent d'entreposer les déchets nucléaires du Québec, ou s'objectent à leur transport à travers leurs villes et villages, combien en coûtera-t-il alors au Québec pour s'en débarrasser ?

Par ailleurs, il ne faut pas traiter à la légère les questions de sécurité atomique. Un seul accident d'importance, tel celui de Tchernobyl -- qui pourrait fort bien se produire ici au Québec en dépit de tous les arguments des tenants du nucléaire -- mettrait littéralement en ruines l'économie québécoise pour des générations à venir. Pourquoi prendre un tel risque, alors que nous n'avons pas même besoin de cette électricité, et qu'elle ne nous rapporte rien ? Qui va payer 5 cents le kilowatt-heure produit à Gentilly 2 ?

C'est pourquoi nous vous demandons instamment de reconsidérer votre décision et, pour votre information, nous vous adressons ci-joint notre réponse aux points soulevés dans les "Commentaires d'Hydro-Québec" que vous avez bien voulu nous faire parvenir.

Veuillez accepter, Monsieur le Président-Directeur général, nos salutations les plus distinguées.

Gordon Edwards et Hélène Lajambe
Regroupement pour la surveillance du nucléaire

PJ:

cc:


RÉPONSES

AUX COMMENTAIRES D'HYDRO-QUÉBEC
re: le réacteur nucléaire de Gentilly 2

~ le 28 septembre, 1986 ~

par G. Edwards et H. Lajambe
Regroupement pour la surveillance du nucléaire

Le 2 juin 1986, nous avons fait parvenir une lettre au Conseil d'administration d'Hydro-Québec, l'exhortant de considérer la fermeture permanente du réacteur nucléaire Gentilly 2. Le 31 juillet, M. Antoine Duchesne d'Hydro-Québec a élaboré des commentaires répondant à notre lettre. M. Guy Coulombe, Président d'Hydro-Québec, nous les a fait parvenir, dans une missive datée du 7 août.

Considérant que les commentaires d'Hydro-Québec sont incomplets et qu'ils peuvent induire en erreur, nous avons élaboré cette réponse point-par-point.


  1. ''Les coûts associés à la gestion du combustible irradié ... sont loin d'être financierèment onéreux.''

    Notre réponse :

    Il est impossible de fournir des estimations de coûts valables pour parler d'une technologie qui n'existe pas. La gestion permanente du combustible nucléaire irradié est un problème qui n'a pas encore de solution. Au cours de l'histoire humaine, jamais aucune civilisation n'a découvert une méthode acceptable pour entreposer des poisons de telle façon qu'ils ne puissent éventuellement revenir dans l'environnement.

    Après de soigneuses audiences, le Comité spécial de la Législature ontarienne sur les Affaires d'Ontario Hydro faisait, dans un rapport de 1980, l'observation suivante:

    "It is difficult to assess the allegations of some critics that the cost of waste disposal will be sufficient to compromise the currently assumed advantage of nuclear power over coal. The Committee could not find in any of the agencies currently responsible for pieces of the program satisfactory and complete answers on financial details. It was difficult for the Committee, and will continue to be difficult for the public, to have confidence in this vital program when specifics and responsibilities are left vague and undefined." (Réf. 1)

    Dans un rapport en 1978, la Commission royale d'enquête sur la planification de l'énergie électrique en Ontario déclarait que si on n'avait pas trouvé une solution satisfaisante pour disposer des déchets en 1985, il y aurait alors un moratoire sur les réacteurs nucléaires (Réf. 2).

    Dans un rapport en 1976, le physicien nucléaire Sir Brian Flowers de la Commission royale britannique sur la Pollution environnementale écrivait:

    "We are agreed that it would be irresponsible and morally wrong to commit future generations to the consequences of fission power unless it has been demonstrated beyond reasonable doubt that at least one method exists for the safe isolation of these wastes for the indefinite future. (Réf. 3)

    Pendant ses récentes démarches pour trouver un site pouvant convenir à l'accueil d'un cimetière de déchets nucléaires dans le Nord-Est des États-Unis, le Ministère américain de l'énergie n'a jamais, à aucun moment, proclamé qu'il avait déjà mis au point ou fait la démonstration d'aucune technologie acceptable pour disposer de façon permanente et définitive des déchets nucléaires.

    La présomption d'Hydro-Québec à l'effet que les "coûts [ associés à la gestion du combustible irradié ] sont loin d'être financièrement onéreux", sans exagération, peut être qualifiée de naïve. Même les coûts d'une technologie bien développée et qui a fait ses preuves peuvent être gravement sous-estimés, comme l'ont démontré les débordements de coûts associés à la construction de Gentilly 2. Il serait financièrement irresponsable de présumer que les coûts pour disposer des déchets nucléaires sont présentement connus avec un degré quelconque de précision disons jusqu'à un facteur de 30.

    En plus de difficultés techniques, il y a d'autres éléments qui peuvent amplifier considérablement les coûts pour disposer des déchets, y compris les problèmes politiques rattachés au choix d'un site pour un cimetière de déchets et le transport des déchets nucléaires. Dans cette ligne, il est tout-à-fait plausible que, d'ici un certain nombre d'années, Hydro-Québec soit dans l'obligation de trouver un endroit pour implanter un cimetière de déchets à haut niveau de radioactivité dans la province de Québec, ce qui impliquerait la mobilisation d'immenses capitaux.

    On peut éviter ces problèmes en fermant Gentilly 2 de façon permanente et en remettant au plus tôt la charge du combustible irradié à Énergie Atomique du Canada Limitée (ÉACL).


  2. ''Le réacteur de Gentilly 2 est équipé de systèmes de protection capables . . . d'éviter la fonte du coeur.''

    Notre réponse :

    Cette affirmation contredit les constatations des trois seuls organismes à avoir étudié la sécurité du CANDU d'un oeil indépendant, c'est-à-dire la Commission royale ontarienne sur la planification de l'énergie électrique, le Comité spécial sur les Affaires d'0ntario Hydro et la Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCÉA).

    Dans son rapport de 1978, la Commission royale a considéré que la fonte du coeur d'un réacteur CANDU n'était pas seulement possible, mais qu'elle était considérablement plus probable que ne l'ont proclamé les spécialistes du CANDU. (Réf. 4)

    Dans son rapport de 1980, le Comité spécial soulignait que:

    "It is not right to say that a catastrophic accident is impossible. The worst possible accident could involve the spread of radioactive poisons over large land areas, killing thousands immediately, killing others through increasing susceptibility to cancer, risking genetic defects that could affect future generations and possibly contaminating large land areas for future habitation or cultivation." (Réf. 5)

    Le rapport du Comité spécial a mis à jour également le fait que les systèmes de sécurité du CANDU ne sont pas toujours disponibles. En effet, tous les systèmes de sécurité dans les réacteurs ontariens y compris les systèmes de confinement ont été trouvés ne pas avoir été disponibles plus fréquemment qu'il n'était permis par l'agence (CCÉA) émettant les permis. (À une occasion, le système de refroidissement d'urgence avait été manuellement fermé pour plus de trois mois, alors que le réacteur était en opération!)

    En 1986, après l'accident de Chernobyl, le Directeur à l'émission des permis aux réacteurs CANDU, M. Domaratzki, a révélé publiquement qu'un réacteur CANDU peut subir une fonte, et il a admis que les systèmes de sécurité du CANDU ne sont pas conçus pour contenir une telle fonte. Toutefois, il considérait un tel évènement des plus improbables. (Réf. 6)

    Aussi improbable qu'il puisse être, les compagnies d'assurances sont pourtant très prudentes et font l'exclusion de toute couverture des propriétaires advenant un tel accident. De plus, l'industrie nucléaire -- contrairement à toute autre industrie au Canada -- est protégée par une Loi spéciale du Parlement qui limite la responsabilité civile à $75 millions advenant un tel accident. Ce sont là des précautions légales et financières extraordinaires pour s'occuper d'un accident qu'Hydro-Québec considère si inconcevable!

    Il est irresponsable de la part d'Hydro-Québec de prétendre qu'un tel accident ne peut se produire à Gentilly 2.


  3. ''Le bris d'un tube de force ne constitue par [sic] un problème ayant les conséquences que vous imaginez.''

    Notre réponse :

    Le bris du tube de Pickering 2 en 1983 a entraîné la fermeture des unités 1 et 2 de Pickering pendant quatre ans, alors qu'on a procédé au re-tubage complet des deux réacteurs, a un coût supérieur à $ 700 millions. Il nous semble que dejà c'est une raison suffisante pour qu'Hydro-Québec se sente préoccupé par les répercussions possibles d'un tel bris de tube !

    D'après une publication du Ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources intitulée "Nuclear Energy Review: Background Papers" (1983), la probabilité d'un tel bris de tube dans un réacteur CANDU se situe entre 1 sur 10 et 1 sur 100 par réacteur par année. (Réf. 7) En se servant du calcul plus optimiste de 1 sur 100 , on en déduit que la probabilité d'un bris de tube à Gentilly 2 est plus élevée que 25 pour cent pendant une durée de fonctionnement estimée à 30 ans !

    Cette probabilité, et le risque financier qui y est associé, peuvent être réduits à zéro en fermant le réacteur de façon permanente.

    Il n'est pas correct de présumer que le bris d'un tube de force ne puisse entraîner un accident grave. En 1969, un réacteur à tubes de force en Suisse a été complétement démoli quand un des tubes de force s'est brisé, ce qui entraîna un afflux soudain de la production d'énergie qui ne fut pas asset rapidement maîtrisé par les systèmes d'arrêt rapide du réacteur. Le réacteur de Chernobyl était également conçu avec des tubes de force, et plusieurs sont portés à croire que c'est le bris d'un tube de force qui a été responsable du soudain afflux d'énergie qui a mené à la destruction du coeur du réacteur.

    Le réacteur CANDU a la même faiblesse que tous les autres réacteurs à tubes de force: tout bris subit d'un tube de force entraîne un afflux d'énergie qui -- sous des conditions adverses, comme le manque partiel de disponibilité des systèmes d'arrêt rapide -- peut très certainement occasionner un très grave accident.

    Hydro-Québec est mal informée quand elle dit que le réacteur de Chernobyl n'avait pas de bâtiment de confinement. À la suite de la récente Conférence de Vienne de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIÉA), il est désormais clair que le réacteur 4 de Chernobyl avait en fait une structure de confinement qui a été complètement démolie par les puissantes explosions d'hydrogène qui se sont produites dans le bâtiment du réacteur. De telles explosions peuvent également se produire dans un réacteur CANDU advenant un accident (comme l'a démontré la série d'explosions d'hydrogène pendant l'accident de 1952 à Chalk River).

    Même si le réacteur CANDU n'a pas un moderateur en graphite inflammable comme le réacteur 4 de Chernobyl en avait, il a toutefois une grande quantité d'un alliage de zirconium inflammable dans le coeur qui peut, dans de graves conditions accidentelles, nourrir un feu ardent, pouvant produire de grandes quantités de fumées radioactives.


  4. ''En nous basant sur l'expérience de Three Mile Island, un accident pouvant causer des dommages de l'ordre du milliard de dollars à la population est à notre avis inconcevable.''

    Notre réponse :

    Des dommages d'un milliard de dollars c'est un plutôt gros montant d'argent, que les dommages soient sur le site ou hors du site. D'après le U.S. General Accounting Office (Bureau de l'inspecteur général des finances des États-Unis), le coût du nettoyage du réacteur à Three Mile Island a déjà dépassé un milliard de dollars, et le coût total pourrait bien être de deux milliards ou plus.

    Hydro-Québec est-elle prête à accepter un tel risque financier pour le privilège d'opérer un réacteur nucléaire qui ne constitue qu'un surplus aux besoins de la Province ?

    General Public Utilities (GPU) a été conduite au bord de la banque-route à cause de l'accident de Three Mile Island. GPU n'avait d'assurance que pour $ 300 millions pour couvrir les dommages sur le site advenant un accident -- tout-à-fait insuffisant pour payer le nettoyage. Combien d'assurance Hydro-Québec a-t-elle pour le site de Gentilly 2 ? (Réf. 8)


  5. ''Le nettoyage de Three Mile Island se poursuit et à notre avis le travail effectué à ce jour est des plus remarquables General Public Utility s'apprête à en extraire le combustible endommagé.''

    Notre réponse :

    L'accident de Three Mile Island s'est produit il y a sept ans de cela. Le combustible endommagé n'a pas encore été retiré du coeur. Il nous faut admettre que cette opération de nettoyage est effectivement remarquable; remarquable pour la dépense et les difficultés inouies encourues.

    Le 14 octobre 1985, Nucleonics Week révélait que:

    "The core collapse was more complicated than previously recognized. Many fuel and structural elements liquefied first at the top of the core and dripped down into the bottom half. Cold water collapsed the brittle remains of the tops of most fuel rods, producing a five-foot void (cavity) and two-foot-thick debris bed.

    Underneath that debris is a material so tough that special drill bits are being designed to penetrate it, and at the very bottom of the vessel is slag-like material that appears to have solidified after being molten.

    In between, researchers theorize, is another void. The theory cannot be proven until samples are analyzed and a program to drill through the entire core debris area is completed, which will take another couple of years. There is not enough money to study all the samples."

    Incidemment, on sait maintenant que la temperature dans le coeur du réacteur de Three Mile Island a dépassé les 5100 o F. .

    La police d'assurance d'Hydro-Québec de 75 millions de dollars ne servirait à rien advenant un accident comme celui de Three Mile Island, car elle ne couvre que les dommages à l'extérieur du site.


  6. ''Nous avons l'intention de continuer à exploiter Gentilly 2 selon les besoins du réseau tant et aussi longtemps que cette exploitation sera faite d'une façon sécuritaire, économique et rentable comme c'est le cas présentement.''

    Notre réponse :

    Selon les témoignages donnés par Hydro-Québec les 26 et 27 mars derniers à la Commission permanente de l'économie et du travail (de l'Assemblée Nationale), à peu près 5 millions de mégawatt-heures d'énergie ont coulé pour rien en 1985 parcequ'on a un important surplus d'énergie. D'après les graphiques du Plan d'Hydro-Québec, les surplus de capacité électrique sont entre 3500 et 4500 mégawatts. Par conséquent, si le réacteur Gentilly 2 de 600 mégawatts était fermé, on ne le manquerait pas.

    Il va sans dire, si on fermait Gentilly 2, Hydro-Québec économiserait annuellement plus de 50 millions de dollars qui vont à d'inutiles coûts d'opération. En utilisant les surplus de capacité hydro-électrique, les 600 mégawatts manquants pourraient être produits à un coût d'opération beaucoup plus bas qu'à Gentilly 2. Les choses étant ainsi, il est difficile de comprendre pourquoi quiconque désirerait soutenir que l'opération de Gentilly 2 est "économique" ou "rentable"

    Pour ce qui est de la "sécurité", il ne peut être plus clair à nos yeux que les réacteurs nucléaires ne sont pas sécuritaires de façon inhérente, mais dangereux de façon inhérente, et ce n'est que se conter des histoires que de penser autrement. Et la raison en est fondamentale. Un réacteur nucléaire n'est pas seulement une machine qui génère de l'électricité, mais aussi un vaste entrepôt de poisons radioactifs. À notre avis, tout réservoir de poisons devrait être considéré comme un danger potentiel devant être éliminé si possible. Si vous pouvez effectivement sauver de l'argent tout en éliminant le danger, eh bien, tant mieux.


  7. ''Le niveau de relâches radioactives de tritium et de carbone 14 à Gentilly sont tout à fait négligeables.''

    Notre réponse :

    Il n'existe pas de "dose sécuritaire" de radiation. Toute dose, si petite soit-elle, occasionnera une hausse correspondante des incidences de cancers, de malformations congénitales et d'anomalies du processus de croissance.

    Le Comité scientifique des Nations Unies sur les Effets des radiations atomiques (UNSCEAR) a révélé que l'eau contaminée par le tritium et ingérée par une femme enceinte devrait traverser le placenta et atteindra le foetus. Des études expérimentales sur des souris ont fait ressortir "différents effets statistiquement significatifs, sans lien apparent avec la dose" -- tels que la microcéphalite (les crânes réduits, également observés à Hiroshima et à Nagasaki), la stérilité, les arrêts de croissance, la réduction de la taille des portées. Le Rapport de 1977 de l'UNSCEAR poursuit en ces termes:

    "There has been a growing interest in the study of the biological effects of radioisotopes, particularly plutonium and tritium. A number of studies that have so far been carried out in mice demonstrate that these isotopes are capable of inducing dominant lethal mutations, chromosome aberrations and point mutations (for the last category, only the effects of tritium have been studied)." (Réf. 9)

    Le Comité spécial sur les Affaires d'Ontario Hydro a découvert que les dangers associés au tritium et au carbone 14 sont sources de graces préoccupations:

    "Carbon 14 and tritium are of comparable and special concern for similar reasons. First, they have long half-lives: 5730 years for carbon 14 and 12.3 years for tritium. Long half-lives allow them to accumulate in the environment around a reactor and in the global atmosphere.

    "Second, they are easily incorporated into human tissue. Carbon 14 is incorporated into the carbon that comprises about 18 percent of body weight, including the fatty tissue, proteins and DNA. Tritium is incorporated into all parts of the body that contain water.

    "Thus the radiological significance of both elements is not related to their inherent toxicity, as each is a very low energy form of radiation, but to their easy incorporation into the body.

    "Neither Ontario Hydro nor AECB know enough about the propensity of carbon 14 to accumulate in the food chain and biosphere around a plant. In 1977, a group of experts of the OECD's Nuclear Energy Agency identified four nuclides that may be of greater global than of local concern. The four are krypton-85, iodine-129, tritium and carbon 14.

    "In heavy water reactors, a relatively small proportion of the tritium is bound up in the fuel. Most is produced in the large quantities of heavy water moderator and coolant. Inevitably, significant amounts are released in the air and water. CANDU reactors produce about 20 times as much carbon 14 as (American) light water reactors." (Réf. 10)

    Le Comité Spécial recommandait un examen complet et indépendant des limites de relâches courantes du carbone 14 et du tritium, du fait que la CCÉA est en grande partie composée d'hommes faisant la promotion de l'énergie nucléaire. Un tel examen indépendant n'a jamais été entrepris.

    Plutôt que de nous dire que les relâches de tritium et de Gentilly 2 sont "negligeables", Hydro-Québec devrait nous donner des chiffres. Combien de milliers de curies de tritium et de carbone 14 ont été relâchés dans l'environnement depuis que Gentilly 2 a commencé à opérer ? Une fois que nous savons les quantités absolues, alors on peut discuter sur la signification biomédicale de ces relâches radioactives chroniques et persistantes.


  8. ''La seule expertise qu'il convient pour nous de conserver se situe au niveau de l'exploitation des centrales nucléaires.''

    Notre réponse :

    C'est un point de vue qui ne voit pas tellement plus loin que le bout du nez. Eventuellement, Gentilly 2 aura à être démonté, et ce sera le problème d'Hydro-Québec -- pas d'É.A.C.L. (Énergie Atomique du Canada Limitée). En appliquant une pression politique pour persuader Ottawa d'entreprendre le démantèlement complet de Gentilly 1 immédiatement, Hydro-Québec pourrait acquérir une expertise très valable en démolition d'équipements radioactifs avec l'assistance technique et financière d'Ottawa. Ça épargnerait des millions de dollars à Hydro-Québec en frais de recherche et de développement.

    Un tel savoir-faire pourra se vendre dans le monde entier. L'AIÉA (Agence internationale d'énergie atomique) a estimé qu'environ 100 réacteurs devront être démantelés dans les deux prochaines décennies. Ce sera une industrie de plusieurs milliards de dollars, et le Québec a l'occasion d'être aux premières loges. Il pourrait y avoir des entraînements commerciaux considérables (par exemple, dans la robotique industrielle). C'est un domaine beaucoup plus prometteur que de construire et d'opérer des réacteurs nucléaires qui sont superflus aux besoins actuels.


  9. ''Nous croyons toutefois qu'advenant la disparition d'A.E.C.L. le gouvernement fédéral respecterait ses engagements contractuels et financiers, incluant le démantèlement éventuel de Gentilly 1.''

    Notre réponse :

    C'est touchant de voir la confiance que porte Hydro-Québec dans la capacité qu'a Ottawa de relever des défis. Cependant, l'effondrement de l'industrie nucléaire pourrait laisser des choses en plan. Comme, a fait remarquer le Bureau de l'Inspecteur Général des Finances des États-Unis:

    "The possibility of this industry ending raises questions as to whether there will be nuclear-related organizations, nuclear equipment, and individuals expert in the nuclear field that would be capable of dealing with the decommissioning and decontamination problems that could remain for about 100 years after the last reactor is shut down." (Réf. 11)

    Dans un rapport de 1982, Ottawa admettait qu'il pourrait être impuissant à empêcher l'effondrement complet de l'industrie:

    "Dans ce document, on abordera la possibilité que des problèmes commerciaux puissent ralentir ou même arrëter le progrès technologique, laissant une main-d'oeuvre hautement qualifiée et des capitaux spécialisés se détourner vers d'autres usages, ce qui affecterait non seulement le coût et la fiabilité mais également la disponibilité de la filière CANDU." (Réf. 12)

    Et, bien entendu, comme nous l'avons déjà mentionné, même si Ottawa remplissait son obligation de démanteler Gentilly 1, ça laisserait quand même toujours Hydro-Québec devant la tache de démanteler Gentilly 2. Toutefois, dans l'éventualité où l'industrie nucléaire s'effondrerait, il n'est pas impossible que le Québec doive s'occuper des deux entreprises. Raison de plus pour presser Ottawa à démanteler Gentilly 1 dès à présent, alors que l'infrastructure de l'industrie est toujours en place.

~ finis ~


NOTES ET RÉFERENCES

  1. Ontario (1980). "The Management of Nuclear Fuel Waste: Final Report", Select Committee on Ontario Hydro Affairs. La citation vient de la page 21, mais tout le document est pertinent.

  2. Ontario (1978). "A Race Against Time", Royal Commission on Electric Power Planning. La recommandation se trouve à la page xii du "Compendium of Major Findings"; la discussion dans les pages 91 à 101.

  3. United Kingdom (1976). "Nuclear Power and the Environment", Royal Commission on Environmental Pollution. HMSO. La citation qui vient du paragraphe 181, page 81, est également comprise dans une des principales conclusions, page 202.

  4. Tiré de "A Race Against Time", pages 78-79: "The probability of a core meltdown per reactor at Pickering is said [ by the nuclear industry ] to be in the order of one in a million years. Two well-informed nuclear critics, Dr. Gordon Edwards and Ralph Torrie, have argued that the probability could be 100 times higher. We believe that the Edwards/Torrie estimate is more realistic."

  5. Ontario (1980). "The Safety of Ontario's Nuclear Reactors: Final Report", Select Committee on Ontario Hydro Affairs. Voir pages 9-10.

  6. Les remarques de M. Domaratzki ont été citées dans le Globe and Mail et dans The Gazette de Montréal, et elles peuvent être confirmées en communiquant avec lui aux quartiers généreaux de la CCEA à Ottawa.

  7. Ottawa (1981). "Nuclear Policy Review Background Papers", Energy Mines and Resources Canada. Voir le chapitre sur la sécurité du CANDU, écrit par Z. Domaratzki de la CCEA.

  8. Washington (1981). "Greater Commitment Needed to Solve Continuing Problems at Three Mile Island", U.S. General Accounting Office.

  9. United Nations (1977). "Sources and Effects of Ionizing Radiation", U.N. Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation. La longue citation provient du paragraphe 378, page 477; la plus courte citation et les commentaires afférents proviennent des paragraphes 245-246, pages 695-696.

  10. "The Safety of Ontario's Nuclear Reactors", pages 15-18.

  11. Washington (1977). "Cleaning Up the Remains of Nuclear Facilities: A Multi-Billion Dollar Problem", U.S. General Accounting Office. Voir page 24.

  12. Ottawa (1982). "Revue de l'Industrie Nucléaire: Problèmes et Perspectives, 1981-2000". Énergie, Mines et Ressources Canada. Cette réflexion de la page 1 se retrouve dans tout le document.


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