Extraits d'un sommaire
de l'avis juridique sur
le transport aérien
de plutonium

préparé pour :

La Campagne contre l'expansion du nucléaire
Northwatch
Clean North
Greenpeace
Sierra Club du Canada
Le Regroupement pour la surveillance du nucléaire
Mohawk Council of Akwesasne
Concerned Citizens of Renfrew County
Le Centre d'analyse des politiques énergétique
Energy Probe Research Foundation
Association of Iroquois and Allied Indians

Le 16 février 2000



Objet : Modification au Plan d'aide en cas d'urgence par le ministère des Transports, approuvée le 10 janvier 2000, visant le transport de combustible MOX depuis Sault Ste. Marie (Ontario) jusqu'à Chalk River (Ontario)


Tiré de l'avis juridique preparé par

L'ASSOCIATION CANADIENNE
DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT

Nous vous remercions de l'occasion que vous nous avez offerte de soumettre le présent sommaire d'avis juridique quant à la légalité d'une décision du ministère des Transports du Canada, soit l'approbation d'une modification au Plan d'aide en cas d'urgence portant sur le transport de combustible MOX depuis Sault Ste. Marie jusqu'à Chalk River (Ontario). On se souviendra que le plan d'origine a été approuvé en novembre 1999 et ne prévoyait que le transport routier. La modification du 10 janvier 2000 visait à permettre également le transport aérien de combustible MOX.

Bien que vous nourrissiez de sérieuses préoccupations à l'égard du programme d'essai « Parallex » dans son ensemble, y compris toutes les formes de transport de combustible MOX au Canada, le présent avis ne porte que sur la décision du 10 janvier 2000 prise par le ministère des Transports du Canada. Nous sommes au fait que vous prévoyez diffuser publiquement le présent avis le 22 février 2000 environ.

SOMMAIRE DES CONCLUSIONS

Nous sommes arrivés aux conclusions suivantes :


PARTIE I -- DONNÉES CHOISIES (Extraits)

Le numéro de dossier des Nations Unies pour les matières radioactives, fissiles et SES est UN2918. Ce numéro est essentiel au suivi de la réglementation relevant de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses.

La quantité de plutonium contenue dans chaque échantillon de combustible MOX dépasse la quantité ou la concentration minimale stipulée par la Loi sur le transport des marchandises dangereuses. C'est pourquoi il fallait obtenir l'approbation du ministère des Transports du Plan d'aide en cas d'urgence avant que ne puissent être importés et transportés des combustibles MOX, comme le mentionne le ministre des Transports, David Collenette dans une lettre adressée, le 17 octobre 1999, à Ole Hendrickson et à Elizabeth May.

Le Plan d'aide en cas d'urgence d'origine prévoyait exclusivement le transport routier de ces combustibles lorsque ceux-ci provenaient des États-Unis et leur transport maritime, puis routier lorsque ceux-ci provenaient de la Russie.

Dans le rapport du ministère des Transports de novembre 1999 qui accompagnait l'approbation d'origine des Plans d'aide en cas d'urgence pour le transport routier figuraient des questions soumises par le public ainsi que les réponses du Ministère. En voici quelques-unes (Il s'agit de traductions libres.) :

« I. Mode de transport

I.1 Le gouvernement pourrait changer le Règlement de l'Air. Il pourrait approuver des vols au-dessus de régions peu peuplées.

[Réponse de Transports Canada] Ceci ne pourrait se faire que si on concevait un conteneur suffisamment solide pour résister à tout accident d'avion possible.

I.2 Les États-Unis interdisent le transport aérien de telles matières.

[Réponse de Transports Canada] Les lois américaines et canadiennes interdisent actuellement le transport aérien d'échantillons de combustible MOX. »


PARTIE II -- JUSTIFICATION LÉGALE (Extraits)

EXIGENCES DU DROIT ADMINISTRATIF

Nous avons examiné la décision du 10 janvier 2000 du ministère des Transports de modifier le Plan d'aide en cas d'urgence afin de permettre le transport aérien ainsi que le transport routier de combustible MOX. Le ministère soutient que cette décision était conforme aux principes du droit administratif. Selon nous, cette décision déroge de ces principes de deux façons. Les deux manquements sont explicités ci-dessous, sous les rubriques « Caractère abusif » et « Doctrine des attentes légitimes ».

Caractère abusif

Les principes du droit administratif protègent le public d'une prise de décisions abusive par les agents de l'État. Selon cette doctrine, les agents de l'État doivent exercer leurs pouvoirs de façon raisonnable. Les critères permettant de prouver le caractère abusif dans les tribunaux sont très restrictifs. Cependant, dans ce cas-ci, nous sommes d'avis que la décision de modifier le Plan d'aide en cas d'urgence de façon à permettre le transport aérien de combustible MOX en plus du transport routier serait jugée abusive par les tribunaux. Cette conclusion laisse plusieurs recours, y compris celui d'annuler la décision, de dresser un bref de prohibition empêchant une nouvelle prise de décision quant au transport de combustibles MOX de la Russie, et de formuler une déclaration officielle expliquant que la décision violait les principes du droit administratif. Ces recours stopperaient ainsi les deux autres convois autorisés en provenance des États-Unis ainsi que la cargaison attendue de la Russie.

La justification d'une allégation de caractère abusif porterait autant sur le contenu même de la décision que sur la façon dont elle a été prise. Voici quelques-uns des faits corroborant notre opinion :

La CCEA a déclaré le 29 décembre 1999 à Transports Canada que les effets de tout accident d'avion possible ne seraient nécessairement pas pires que les effets de tout accident de la route possible. Cette déclaration n'est étayée par aucune preuve.

D'après les données dont dispose le gouvernement du Canada, il est extrêmement douteux que le genre de conteneur destiné au transport aérien de combustible MOX, soit le conteneur 4H de type B(U)F, puisse constituer une protection suffisante en cas d'accident aérien. Ainsi, on signale dans un ouvrage technique de l'Agence internationale de l'énergie atomique que :

« ... les normes de sécurité actuellement utilisées pour approuver les conteneurs de transport multimode couvrent peu les situations susceptibles de survenir dans un accident aérien et bien plus celles susceptibles de survenir lors d'accidents de transport maritime ou routier.È [Traduction libre]

Rien ne prouve que Transports Canada ait examiné tous les scénarios d'accidents aériens possibles avant d'approuver la modification du Plan d'aide en cas d'urgence permettant le transport aérien. Les scénarios soumis par EACL dans son Plan d'aide en cas d'urgence d'origine et l'approbation de ces scénarios par Transports Canada rendent compte de l'ampleur de l'analyse qui aurait dû être réalisée pour tout autre mode de transport.

Dans son rapport de novembre 1999, Transports Canada même indiquait que les lois américaines et canadiennes interdisaient le transport aérien d'échantillons de combustible MOX et que le gouvernement ne pourrait transporter ce combustible par voie aérienne tant et aussi longtemps que n'était conçu un conteneur suffisamment solide pour résister à tout accident d'avion possible.

À l'instar d'EACL dans ses soumissions d'origine et du ministère américain de l'Énergie, Transports Canada a affirmé, en consultation avec le public avant l'approbation du Plan d'aide en cas d'urgence, que le transport de combustible MOX ne se ferait que sur route et que le transport aérien de cette matière était hors de question.

Le transport aérien de combustible MOX est illégal aux États-Unis et, de fait, l'homologation accordée par le ministère américain des Transports au conteneur d'EACL utilisé pour le transport comprend la mention explicite suivante :

« La présente homologation ne permet en rien une dérogation de l'interdiction de transporter du plutonium par voie aérienne aux États-Unis conformément aux règlements de la U.S. Nuclear Regulatory Commission. » [Traduction libre]

Selon nous, la décision prise par Transports Canada le 10 janvier 2000 était abusive tant du point de vue effectif que juridique.

Doctrine des attentes légitimes

La doctrine des attentes légitimes est un principe de common law tirant ses origines des principes du droit administratif général. Il s'agit ni plus ni moins du droit à la représentation, soit une règle de justice naturelle : la nécessité de l'équité procédurale du droit administratif.

Nous sommes d'avis que les circonstances de la cause dont il est question ici s'articulent autour des exigences de cette doctrine. Le ministère des Transports a organisé une période de consultation publique de neuf semaines avant d'accorder l'approbation d'origine au Plan. Il a informé et consulté entre autres le grand public, les municipalités, les services d'incendie et les services de police. En plus des réunions de vive voix avec le public et ses représentants, le ministère des Transports a reçu 122 soumissions de la part du public avant le 15 octobre 1999 et 11 autres soumissions après cette date, sans oublier les soumissions envoyées à Ressources naturelles Canada, y compris 17 résolutions de conseils municipaux et une lettre au nom de 19 maires du Québec, et 10 résolutions de conseils de bandes des Premières Nations du Québec et de l'Ontario. Dans la plupart de ces soumissions étaient exprimées de sérieuses préoccupations quant au transport de combustible MOX au Canada.

Selon les renseignements accessibles aux Canadiens, le public n'avait aucune raison de douter que le transport de combustible MOX ne se ferait que sur route. Parmi ces renseignements, on note des déclarations dans le rapport d'approbation de novembre signé par Transports Canada. De même, un document affiché sur le site Web de Transports Canada pendant la période de consultation, décrit comme un document de la CCEA de 1997 sur la réglementation relative aux tests Parallex de combustible MOX, contenait l'affirmation suivante :

« Les éléments d'essai du combustible seront transportés directement par camion du Los Alamos National Laboratory aux laboratoires de Chalk River sans quelque autre manutention à la frontière. Le même type de transport sera utilisé pour l'ensemble de l'exercice. » [Traduction libre]

Dans le plan de transport du convoi d'EACL d'août 1999, on indiquait :

« Le transport aérien, ferroviaire et routier sont autant de façons possibles de transporter le combustible MOX du LANL aux laboratoires de Chalk River. Toutefois, les évaluations faites au compte du USDOE ont exclu les options de transport ferroviaire et aérien. C'est donc dire que le transport routier a été le seul mode de transport examiné dans l'évaluation canadienne. » [Traduction libre]

Par ailleurs, l'évaluation environnementale de la fabrication et du transport du combustible pour le projet Parallex réalisée par le ministère de l'Environnement américain en janvier 1999, contenait les propos suivants :

« Les restrictions en matière de transport aérien du plutonium ne permettent donc pas le recours à ce mode pour le transport des quantités de combustible MOX nécessaires au projet Parallex. Par surcroît, le transport aérien est jugé plus dangereux que le transport de surface étant donné le risque accru de contamination nucléaire à grande échelle en cas d'accident. Cette option a donc été rejetée de l'analyse. » [Traduction libre]

Le public s'est fié à ces déclarations ainsi qu'au rapport de novembre 1999 du Ministère, qui accompagnait l'approbation d'origine. Ce rapport comprenait une déclaration par le Ministère du fait que le transport aérien de combustible MOX était illégal au Canada. Le public n'avait donc aucune raison de s'attendre à devoir composer avec une telle modification ni avec la question du transport aérien de combustible MOX.

Nous sommes d'avis que la décision du ministère des Transports du 10 janvier 2000 viole les principes d'équité du droit administratif et, plus particulièrement, de la doctrine des attentes légitimes. Compte tenu de la nature des dangers, des intérêts en jeu et du processus de consultation réalisé avant de prendre la décision de novembre, il est évident que le Ministère aurait dû offrir au public l'occasion de se faire entendre avant d'apporter une modification importante au Plan d'aide en cas d'urgence. Un texte de droit administratif explique ainsi en partie la raison de cette doctrine :

« Un troisième élément qui sous-tend le concept d'équité est la simple constatation que, premièrement, l'ordre social exige que les particuliers acceptent les décisions prises par les représentants de l'État et que, deuxièmement, cette acceptation ne se manifestera pas si les particuliers ont l'impression de ne pas avoir été traités de façon équitable dans le cadre du processus de prise de décisions. » [Traduction libre]


PARTIE IV -- SOLUTIONS LÉGISLATIVES (Extraits)

La meilleure et la plus rapide solution en ce qui a trait au problème du transport aérien de combustible MOX au Canada en est une de nature législative. Il incombe aux ministères responsables de préciser le contenu de la loi et de confirmer par voie de loi ou de règlement que ni le combustible MOX ni le plutonium ne peuvent être transportés par voie aérienne dans l'espace aérien canadien. Ceci a été fait aux États-Unis, où a été formulé dans un énoncé législatif explicite, comme on l'a indiqué précédemment, interdisant le transport aérien de combustible MOX. Il s'agit là d'une mesure raisonnable que devrait prendre le Canada.

De façon immédiate, il importe d'enjoindre les ministres fédéraux responsables de formuler sans délai des instructions précises à l'intention de leur ministère respectif interdisant aux représentants du ministère d'octroyer des permis de transport aérien de combustible MOX jusqu'à ce qu'une telle politique soit dûment sous-tendue par la réglementation nécessaire. En outre, le ministère des Transport devrait abroger la décision de modification prise le 10 janvier 2000 et remettre en vigueur les Plans d'aide en cas d'urgence approuvés le 4 novembre. Ceci permettrait d'assurer que les deux convois de combustibles MOX en provenance des États-Unis ne soient pas transportés par voie aérienne au Canada. En ce qui a trait à la cargaison russe qui devrait être livrée au printemps, une directive gouvernementale suivie par une prescription réglementaire immédiate devraient être suffisantes pour empêcher le ministère des Transports de modifier encore une fois le Plan d'aide en cas d'urgence relatif au combustible MOX en provenance de la Russie en vue de permettre le transport aérien d'un tel combustible à Chalk River.

L'ASSOCIATION CANADIENNE
DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT

par
Theresa A. McClenaghan
Avocate

 
Paul Muldoon
Directeur exécutif et avocat


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